Marie Maltais, Collège Saint-Sacrement
Catherine Simard, professeure en didactique des sciences et technologies, Université du Québec à Rimouski, Lucia Savard, enseignante du primaire et professionnelle de recherche, Université du Québec à Rimouski, Mélanie Cantin, coordonnatrice des communications, Technoscience Est-du-Québec et Dominique Savard, directrice générale, Technoscience Est-du-Québec
Alexis Legault, étudiant à la maitrise, Kara Edward, étudiante au doctorat et Adolfo Agundez Rodriguez, professeur, Université de Sherbrooke
Audrey Groleau, professeure de didactique des sciences et de la technologie, Université du Québec à Trois-Rivières, Irvings Julien, stagiaire postdoctoral, Université du Québec à Trois-Rivières et Marco Barroca-Paccard, professeur de didactique des sciences de la nature, de la biologie et de la durabilité, Haute école pédagogique de Vaud (Suisse)
Isabelle Arseneau, doctorante, Université Laval, Audrey Groleau, professeure, Université du Québec à Trois-Rivières et Chantal Pouliot, Professeure, Université Laval
Maia Morel, professeure agrégée, Université de Sherbrooke et Elizabeth Fafard, étudiante à la maitrise, Université de Sherbrooke
Dans les derniers mois, une consultation a été réalisée auprès d’élèves de la 5e année du primaire jusqu’aux étudiantes et étudiants du collégial. En tout, ce sont plus de 1600 répondantes et répondants qui sont arrivés au même constat : l’éducation aux enjeux environnementaux n’est pas assez présente dans le cursus scolaire.
Il y a un an, j’ai, Marie Maltais, publié, dans la revue Spectre, un article qui traitait des sujets liés aux enjeux environnementaux abordés au cours de mon parcours scolaire. J’en suis venue à la conclusion que ces enjeux n’étaient pas assez travaillés. Par la suite, une table de concertation s’est formée et nous avons décidé de mener une consultation, qui a débuté l’automne dernier. Nous trouvions important de sonder les jeunes qui font ou ont fait le cours de science et technologie, avant d’entamer des démarches pour demander une révision au ministère de l’Éducation. La consultation prenait la forme de trois formulaires (un pour le primaire, un pour le secondaire et un pour le cégep) qui ont été partagés par l’AESTQ et par des intervenants et intervenantes de diverses écoles.
Les résultats sont sans équivoque : 70,3 % des élèves du primaire sondés, 59,6 % de ceux du secondaire et 70 % des étudiants et des étudiantes du cégep qui ont participé à la consultation aimeraient recevoir un enseignement plus substantiel par rapport aux enjeux environnementaux. Ces résultats montrent clairement que le manque actuel d’enseignement sur ces sujets est concrètement ressenti par les jeunes. Nous avons également demandé aux étudiants du cégep leur point de vue sur la proportion de leurs cours du secondaire qui abordaient les changements climatiques, l’environnement ou l’écologie. Les résultats sont les suivants : 19,4 % disent que ces cours n’étaient pas suffisants, 32,3 % disent en avoir suivi un peu, 45,2 % moyennement et 3,2 % beaucoup. Nous avons ensuite demandé explicitement s’ils jugeaient cette formation suffisante : 77,8 % répondent que non. Une étudiante nous a d’ailleurs spécifié avoir reçu cet enseignement parce que son enseignant avait fait le choix d’en parler plus, mais que ce n’était pas le cas des autres enseignants de son école. Cette réponse montre qu’il y a effectivement des disparités dans l’enseignement relative à l’environnement reçu par les élèves au Québec, puisque le choix revient souvent à l’enseignant de choisir dans quelle mesure ces sujets seront abordés. En effet, ce sont des sujets qui ne sont que très peu évalués par le ministère. Il faut d’ailleurs rappeler que le programme de science et technologie est évalué, mais n’est pas prescriptif au primaire. Si le développement des compétences et le travail autour des trois univers sont obligatoires, le contenu n’est quant à lui que suggéré. Les conséquences de cette réalité sont bien visibles, puisque 30,4 % des élèves de 5e et 6e année du primaire sondés déclarent ne pas savoir ce que sont les changements climatiques, malgré que 93,8 % d'entre eux en aient déjà entendu parler.
Au niveau du secondaire, nous avons aussi observé une différence entre le privé et le public. Chez les répondants fréquentant l’école publique, la demande pour davantage d’éducation aux enjeux environnementaux est plus grande de près de 5 % que pour les élèves qui sont inscrits à l’école privée. Ce ne sont pas moins de 66 % des élèves sondés provenant du public qui déclarent ne pas avoir assez d’information à ce sujet. Je ne connais pas la raison de cette différence avec certitude. Est-ce que les élèves du privé reçoivent plus d’information? Est-ce que les élèves du public sont plus sensibilisés? Ce seraient des pistes à explorer.
Nous avons d’ailleurs demandé aux répondants et répondantes, par l’entremise d’une question à choix multiples, de classer les sources par lesquelles ils ont entendu parler des sujets liés à l’environnement. L’école arrive en deuxième place au primaire comme source d’information, mais en première au secondaire et au collégial. Ce sont respectivement : 67,9 %, 92 % et 93,5 % des répondants du primaire, du secondaire et du collégial qui disent avoir obtenu des informations à cet égard à l’école. Les milieux scolaires font donc visiblement un travail important pour sensibiliser et éduquer les jeunes, mais celui-ci, au vu des résultats précédents, gagnerait à être encore intensifié.
D’autres résultats ont attiré notre attention, en particulier ceux liés au niveau de stress chez les jeunes. Nous savons aujourd’hui que l’écoanxiété est de plus en plus présente chez les jeunes, mais nous tenions tout de même à sonder les jeunes afin de savoir concrètement ce qu’elle et ils en pensaient. Les résultats nous ont frappés. Au primaire, 74 % des enfants sondés ont nommé des sentiments négatifs par rapport aux changements climatiques. La peur pour leur avenir et celui de leurs futurs enfants revient souvent, et plusieurs d’entre eux disent se sentir « découragés et tristes » ou encore « mal » parce qu’il y aura plusieurs conséquences sur les animaux. Au secondaire, 72 % des élèves ayant participé à la consultation disent se sentir inquiets. Beaucoup de leurs préoccupations concernent le futur. Plusieurs disent même se sentir « impuissants ». Au collégial, nous remarquons une augmentation drastique du stress, avec 96,8 % des étudiantes et étudiants sondés qui disent se sentir inquiets ou anxieux. Là où il y avait peur et inquiétude s’est ajouté de la colère et de la détresse : « Je me sens anxieuse et en détresse. Je sais que mon futur sera difficile et que les conditions de vie futures ne me seront pas favorables. J’ai très peur », nous a révélé une étudiante, alors qu’une autre nous a dit que « Les gouvernements ne prennent pas assez d’actions pour lutter contre les changements. Seulement l’argent les intéresse. » Nous observons donc une progression de la réflexion et une complexification de celle-ci au fur et à mesure que les jeunes avancent dans leur parcours scolaire.
Nous avons aussi cherché à évaluer l’engagement des milieux scolaires, puisque l’action peut être une façon d’enseigner, mais aussi d’aider les jeunes à gérer leur stress. Il est important de comprendre, avant que je ne révèle les chiffres, que les milieux scolaires en font peut-être plus que ce qui nous a été révélé. Au primaire, 34,4 % des jeunes qui ont participé à la consultation déclarent que leur école ne prend pas d’action par rapport aux changements climatiques. Ce chiffre descend à 23,1 % au secondaire, ce qui montre une amélioration avec le passage d’un ordre d’enseignement à un autre, mais cela demeure préoccupant. Cela signifie, en effet, que plus d’un élève sur trois au primaire et près d’un élève sur quatre au secondaire considère qu’il n’y a aucune action ou initiative mise en place par son milieu scolaire pour lutter contre les changements climatiques. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il n’y en a pas, mais tout de même que les élèves ne sont pas rejoints par celles-ci. C’est à cela qu’il faut remédier puisque si les jeunes n’ont pas eu connaissance d’un engagement du milieu scolaire, peut-on dire qu’il était vraiment réussi?
Vous serez probablement d’accord avec moi : la plupart de ces chiffres sont très décevants et probablement décourageants pour plusieurs d’entre vous qui, j’en suis certaine, travaillez pour inclure du mieux que vous le pouvez les enjeux environnementaux dans vos cours. Sachez que je vous comprends, mais il n’en demeure pas moins que ces chiffres témoignent de l’importance d’aborder davantage le cursus d’enseignement au sujet des changements climatiques et de mieux le faire. Maintenant que ce constat est fait, que faire?
Il faudrait réviser le programme de science et technologie, puis tous les autres afin de proposer un véritable enseignement interdisciplinaire de ces sujets qui touchent à toutes les sphères de notre société. Au-delà de cela, il y a plusieurs choses qui peuvent se faire, simplement, dans les classes.
Tout d’abord, il y a, comme cela a été montré précédemment, un manque d’enseignement et d’information au sujet des changements climatiques. Il faut s’y attaquer. Le programme actuel datant de presque 20 ans, il est évident que les concepts qu’il contient ne sont plus à jour sur les enjeux environnementaux. Plusieurs enseignantes et enseignants souhaitant aborder les sujets liés à l’environnement nous ont d’ailleurs signifié qu’il leur était difficile de trouver du matériel récent pour les aborder, ce qui complique leur tâche. Aujourd’hui, plusieurs organismes cherchent à combler ce manque, comme ENvironnement Jeunesse ou encore le Lab22. De plus, des formations universitaires en éducation relative à l'environnement existent, comme à l’Université Laval ou à l’UQAM, ou sont en développement, comme dans les plus constituantes du réseau de l’Université du Québec (UQO, UQAR, UQTR et UQAT). Toutefois, l’enseignement théorique n’est pas le seul élément à améliorer.
L’un des axes essentiels à corriger, c’est l’action, principalement au préscolaire, au primaire et au premier cycle du secondaire. Durant ces années de la formation, il faut enseigner aux élèves que leurs actions ont un impact et une importance; il faudrait leur montrer ce qu’est le pouvoir d’agir et les actions qu’elles et ils peuvent poser à leur échelle. Qu’il s’agisse de collectes de déchets, de la réalisation de jardins, de plantations d’arbres, de projets de recherche ou de projets d’initiatives en équipe, il faudrait rapidement commencer à les mettre en action. Chaque école pourrait exploiter son milieu afin de donner une compréhension concrète et physique du monde qui entoure les jeunes. Au-delà même de la compréhension, de savoir ce qu’est l'environnement permet d’être sensibilisé à celui-ci, de porter attention aux formes de vie qui y sont. Par ailleurs, faire la classe dehors peut augmenter la capacité de concentration des jeunes lors du reste de la journée, mais aussi diminuer leur stress.
Le stress justement : c’est un autre axe important. Comme je l’ai présenté plus haut, le niveau de stress des jeunes est très important par rapport aux enjeux environnementaux, et les milieux scolaires doivent être en mesure d’accompagner les jeunes dans une sensibilisation sans créer d’écoanxiété. Plusieurs enseignantes et enseignants avec qui j’ai discuté m’ont signifié ne pas vouloir « transmettre leur stress à leurs élèves en traitant ces sujets en classe ». C’est une crainte que je comprends et, effectivement, il faut chercher à éviter de transmettre les inquiétudes. Plusieurs solutions existent alors à mes yeux. Il faut ouvrir la discussion avec les élèves, leur offrir la possibilité de faire entendre ce qu’ils ont à dire. Cela pourrait se faire sous la forme de tables de discussion, de projets ou en organisant des événements qui offriraient une possibilité aux élèves de partager leurs réflexions en-dehors du cadre scolaire.
Dans les prochaines étapes, il serait donc important d’obtenir une révision du programme de science et technologie du primaire au secondaire afin d’y inclure les enjeux environnementaux et pour l’étendre jusqu’au préscolaire. Toutefois, il faut aussi commencer à travailler en interdisciplinarité dans les milieux scolaires afin de mener à une éducation beaucoup plus globale sur ces enjeux et de tous les sujets qui sont liés. Il faut ouvrir une porte de réflexion et de discussion pour les jeunes peu importe le milieu dans lequel ils sont et peu importe le niveau d’étude.