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Mots-clés : Arduino - Banque d'activités d'apprentissage - Lego EV3 - Robotique - Situation d'apprentisage et d'évaluation (SAÉ) - Technopédagogie - VEX - Contextualisation - Démarche de conception technologique - Intérêt des jeunes - Secondaire
Hugo G. Lapierre, Université du Québec à Montréal
Elisabeth Guérard, AESTQ
Kassandra L’Heureux, étudiante au doctorat, Université de Sherbrooke et Valérie Vinuesa, professionnelle de recherche Chaire de recherche pour l’éducation en plein air, Université de Sherbrooke
Julie-Maude Lebel, agente de recherche, Geneviève Therriault, titulaire de la Chaire EEDD et professeure en fondements de l’éducation et Gwenaëlle Gremion, docteure en océanographie et agente de recherche et de la planification, Chaire EEDD à l’Université du Québec à Rimouski
Catherine Simard, professeure en didactique des sciences et technologies, Université du Québec à Rimouski, Lucia Savard, enseignante du primaire et professionnelle de recherche, Université du Québec à Rimouski, Mélanie Cantin, coordonnatrice des communications, Technoscience Est-du-Québec et Dominique Savard, directrice générale, Technoscience Est-du-Québec
Audrey Groleau, professeure de didactique des sciences et de la technologie, Université du Québec à Trois-Rivières, Irvings Julien, stagiaire postdoctoral, Université du Québec à Trois-Rivières et Marco Barroca-Paccard, professeur de didactique des sciences de la nature, de la biologie et de la durabilité, Haute école pédagogique de Vaud (Suisse)
Dans les dernières années, les activités de robotique ont graduellement, mais rapidement intégré les établissements scolaires québécois, de sorte qu’elles se révèlent aujourd’hui comme étant une technologie bien ancrée dans plusieurs écoles. Ces activités sont très souvent de nature parascolaire et peuvent prendre plusieurs formes, l’une des plus fréquentes étant celle des compétitions de robotique. Or, bien que ces activités permettent de réaliser des apprentissages intrinsèques à la robotique, il est cependant moins commun qu’elles utilisent celle-ci comme ressource technopédagogique afin d’induire des apprentissages liés à d’autres disciplines, notamment en science et technologie (S&T).
Cet article a donc pour but d’apporter un éclairage supplémentaire en abordant les façons dont cet outil technopédagogique peut servir à contextualiser les apprentissages prescrits par le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) en S&T, pouvant ainsi contribuer à soutenir l’intérêt des élèves. Il vise également à présenter des activités clés en main, développées en collaboration avec une équipe d’enseignants et d’enseignantes au secondaire et ayant fait l’objet de présentations en congrès professionnels, afin de démontrer concrètement comment l’arrimage entre la robotique et le PFEQ en S&T est possible.
Pour Gaudiello et Zibetti (2013), la robotique éducative (RE) se résume à l’introduction d’une gamme technologique d’intelligences artificielles incarnées (robots) au sein de l’école. La RE émerge ainsi du récent couplage entre les sciences de l’éducation et celles de l’intelligence artificielle, son but étant de favoriser et de renouveler l’apprentissage des élèves et l’enseignement des pédagogues. Jouissant d’avancées technologiques multiples, les robots modernes sont munis de capteurs précis et de processeurs puissants qui leur permettent d’explorer leur environnement et d’interagir avec lui. On les retrouve un peu partout : tant sur la terre ferme qu’au fond des océans, dans les usines, dans les hôpitaux et, plus récemment, dans les écoles.
La RE peut être abordée à la fois comme objet de savoir et comme outil éducationnel. En effet, le robot en soi est un dispositif technologique qui peut être étudié, construit et programmé. Concrètement, la robotique permet ainsi aux élèves de construire physiquement un robot et de lui attribuer un comportement par la programmation. Les deux apprentissages qui sont le plus intuitivement associés à l’utilisation de la robotique sont donc l’apprentissage de la programmation et l’apprentissage de concepts de base en ingénierie mécanique et électrique. Des liens entre le PFEQ en S&T et l’ingénierie peuvent ainsi être faits grâce à l’utilisation de la robotique. Par ailleurs, la robotique éducative peut également être utilisée comme outil pédagogique en contextualisant des savoirs ou des compétences relatifs à des disciplines externes à la robotique elle-même. La RE peut ainsi devenir une alliée pour l’enseignant ou l’enseignante qui souhaite rehausser l’intérêt des élèves envers les S&T (Lapierre, 2018).
Toutefois, tous les types de matériel ne permettent pas autant de flexibilité; les finalités et le potentiel éducatif de la RE varient en fonction de la technologie utilisée, engendrant ainsi un spectre de finalités éducatives et de pratiques assez diverses.
En raison du caractère tant mécanique qu’électronique du robot, la RE a évolué différemment, créant par le fait même plusieurs types de technologie éducative. Ces technologies se différencient par leur apparence physique, leur interactivité ou leur programmabilité, mais elles se traduisent surtout par des possibilités éducatives distinctes. Deux types de technologie sont généralement utilisés dans les écoles : l’humanoïde (ou l’animat) et le kit robotique. Toutefois, le premier type de technologie comporte généralement du matériel entièrement préfabriqué et préprogrammé par un fabricant. Le type humanoïde se révèle peu avantageux pour l’apprentissage des S&T. Dans un contexte d’utilisation de la RE comme outil éducationnel permettant de réaliser des apprentissages en S&T, le kit robotique apparait donc plus approprié.
Le kit robotique comprend un ensemble de pièces mécaniques et informatiques, souvent préfabriquées, que l’élève est amené à utiliser pour modeler physiquement un robot. Cela se fait par la conception et la construction du robot pour ensuite lui inculquer un comportement grâce à la programmation au moyen d’un ordinateur ou d’un appareil mobile. Émergeant aujourd’hui comme un outil permettant des activités amusantes de type « main à la pâte » dans un environnement attirant et répondant à la curiosité des élèves, le kit robotique est un dispositif technologique offrant une autre possibilité évidente d’apprentissage par rapport aux cours magistraux et aux activités de laboratoire traditionnelles (Nonnon, 2002). Le kit robotique permet ainsi un large éventail d’activités éducatives, car il peut être utilisé comme objet ou comme outil : il permet, à lui seul, des apprentissages « au sujet de », « par » et « dans » la robotique (Lapierre et Charland, 2018). Pour ces raisons, le kit robotique représente le type de technologie en RE le plus fréquemment intégré à la salle de classe, tant dans le domaine général de l’éducation que dans celui plus spécifique qu’est la S&T.
Il existe actuellement plusieurs fabricants de kits robotiques. Les variations sont nombreuses et offrent des possibilités didactiques légèrement différentes. Par exemple, Arduino se concentre sur l’ingénierie électrique, moins sur la mécanique, en permettant à l’élève de faire des connexions directement sur un microprocesseur. Lego facilite la construction mécanique par des pièces préfabriquées, mais permet moins d’apprentissages en électrique. Enfin, le matériel VEX constitue selon nous un mélange équilibré entre ingénierie électrique et mécanique, mais demeure plus couteux, et les pièces préfabriquées sont rares.
Actuellement, le kit le plus populaire dans le milieu éducatif au secondaire est le kit EV3 fabriqué par Lego (Waite, 2017). Pour cette raison, la plupart des activités pédagogiques présentées ici ont été développées spécifiquement pour ce type de kits. Toutefois, l’adaptation de ces activités pour un autre type de matériel de robotique demeure facilement réalisable.
Pour un enseignant ou une enseignante qui souhaite commencer à intégrer le kit robotique à sa salle de classe, plusieurs questions peuvent émerger, notamment au regard du temps requis en salle de classe pour effectuer des activités en RE, aux ancrages du PFEQ entre robotique et S&T ainsi qu’aux ressources disponibles afin de s’autoformer. Les paragraphes qui suivent fournissent donc des éléments de réponses et des pistes de réflexion pour ces questions.
D’abord, il apparait pertinent de spécifier que l’intégration du kit robotique à la salle de classe en S&T peut prendre trois formes différentes, comme le présente le Tableau 1 (adapté de Lapierre et Charland, 2018). Il peut ainsi s’agir :
d’activités d’apprentissage « au sujet » des S&T et « au sujet » de la robotique;
d’activités d’apprentissage « au sujet » des S&T contextualisées « par » la robotique;
d’activités d’apprentissage « au sujet » des S&T « dans » un environnement robotisé.
Durant ces activités, les élèves réalisent de nouveaux apprentissages ou développent des compétences de manière active à la fois en robotique et en S&T. Il s’agit donc d’activités pédagogiques multidisciplinaires d’une certaine envergure qui s’échelonnent généralement sur plusieurs périodes (de type situation d’apprentissage et d’évaluation [SAÉ]). Ainsi, du temps de classe en S&T est utilisé afin de réaliser de nouveaux apprentissages en programmation et en ingénierie. Les élèves sont donc amenés à s’approprier de nouveaux savoirs et compétences, tant en robotique qu’en S&T, afin de résoudre une problématique qui mène habituellement à la construction et à la programmation d’un robot.
Les activités « au sujet » des S&T contextualisées « par » la robotique mobilisent la robotique éducative comme stratégie pédagogique afin de dynamiser des apprentissages qui sont extrinsèques à la robotique. Pour ces activités, la robotique constitue donc une ressource pédagogique et un agent d’apprentissage et peut être utilisée afin de contextualiser des apprentissages en S&T. Les savoirs déjà acquis et les compétences antérieures en robotique sont alors mobilisés afin d’engendrer de nouveaux savoirs ou des compétences nouvelles « au sujet » des S&T. Il est ainsi possible de miser sur le caractère motivant et ludique du kit robotique pour contextualiser et dynamiser les apprentissages en S&T. Bien que ces activités soient généralement moins chronophages que le premier type d’activité, il demeure toutefois nécessaire d’avoir préalablement investi du temps de classe pour former minimalement les élèves à la robotique afin de pouvoir les réaliser.
Finalement, il est également possible d’utiliser la RE dans le cadre d’activités où le kit robotique est employé comme outil pour réaliser de nouveaux apprentissages seulement en S&T. Dans ce cas, aucune connaissance ou compétence préalable en robotique n’est requise de la part des élèves, et aucun nouvel apprentissage en robotique n’est visé. Le robot est alors simplement utilisé comme matériel que les élèves manipulent et utilisent afin d’appuyer l’apprentissage en S&T. Ces activités ne nécessitent habituellement pas plus de temps qu’une période « classique », étant donné qu’aucun temps de classe n’est utilisé pour réaliser ou réactiver des apprentissages en robotique.
Vous pouvez accéder à l'atelier pratique et au laboratoire en ligne.
Les types d’activités présentées ci-haut mettent en évidence le fait que l’intégration de la robotique à la salle de classe dépend en grande partie du temps dont dispose le personnel enseignant. En effet, plus une activité génère de nouveaux apprentissages ou nécessite la réactivation d’apprentissages antérieurs en robotique, plus l’enseignant ou l’enseignante devra investir du temps de classe afin de réaliser des activités qui permettront aux élèves de s’approprier la robotique.
Outre ces contraintes pratiques liées à la disponibilité du matériel de robotique et au temps de classe nécessaire à la réalisation des activités, le sentiment de compétence de l’enseignant ou de l’enseignante à l’égard de la robotique est aussi un élément important qui influencera son intérêt ou sa propension à intégrer la RE à sa salle de classe. Un faible sentiment de compétence pourrait aussi limiter les apprentissages effectués par les élèves en classe, surtout si l’enseignant ou l’enseignante ne se sent pas suffisamment compétent en programmation (Benitti, 2012). Ces trois outils peuvent s’avérer utiles afin d’amorcer un processus d’autoformation en programmation :
Il est à noter que ces activités peuvent également être réinvesties en salle de classe afin de former les élèves à la programmation.
En somme, bien qu’elle comporte plusieurs défis pour l’enseignant ou l’enseignante qui souhaite l’introduire à sa pratique, la robotique éducative, spécialement avec le kit robotique, se révèle être une technologie accessible, complète et motivante. Il demeure toutefois important de garder en tête l’intention pédagogique poursuivie lors de l’intégration de la robotique à la salle de classe en S&T. Son utilisation doit en effet être réfléchie afin d’ajouter une réelle valeur à l’enseignement des S&T, car l’aspect ludique du matériel de robotique ne représente pas en lui-même une finalité éducative.
Sur ce, à vos robots!
Lisez l'article d'Hugo G. Lapierre paru sur École branchée, Cinq conseils à garder en tête pour enseigner efficacement la programmation.