Elisabeth Guérard, AESTQ
Kassandra L’Heureux, étudiante au doctorat, Université de Sherbrooke et Valérie Vinuesa, professionnelle de recherche Chaire de recherche pour l’éducation en plein air, Université de Sherbrooke
Catherine Simard, professeure en didactique des sciences et technologies, Université du Québec à Rimouski, Lucia Savard, enseignante du primaire et professionnelle de recherche, Université du Québec à Rimouski, Mélanie Cantin, coordonnatrice des communications, Technoscience Est-du-Québec et Dominique Savard, directrice générale, Technoscience Est-du-Québec
Julie Moffet, coordonnatrice, conseillère principale équipe Innovation pédagogique, Fondation Monique-Fitz-Back
Alexis Legault, étudiant à la maitrise, Kara Edward, étudiante au doctorat et Adolfo Agundez Rodriguez, professeur, Université de Sherbrooke
Participer à un concours scientifique en temps de pandémie comporte son lot de défis. Mais remporter une troisième place canadienne en faisant pousser des légumes en aéroponie dans son sous-sol, avec très peu de moyens de surcroit, relève de l’exploit. C’est pourtant ce qu’ont réalisé au printemps dernier Audrey Dubois et Coralie Raymond (figure 1), deux élèves de cinquième secondaire à l’école polyvalente Nicolas-Gatineau, en Outaouais. D’abord intrigué par un article (Maheu, 2021) paru dans un journal local, j’ai rencontré ces deux jeunes passionnées des sciences pour savoir comment elles avaient réussi un tel exploit en réalisant cette expérience à la maison.
C’est d’abord dans le cadre du cours Projet intégrateur qu’Audrey et Coralie ont réalisé une expérimentation en biotechnologie. « C’est ma mère qui a lu un article sur l’aéroponie sur Facebook! », raconte Audrey. L’aéroponie consiste à cultiver des plantes en leur fournissant uniquement de fines gouttelettes d’eau en suspension dans l’air. Le contexte pandémique faisant ressortir des enjeux d’autonomie alimentaire, les deux élèves se sont lancées dans la production de légumes à la maison. L’expérience consistait à « observer la croissance de légumes viables dans un environnement sans terre et avec des matériaux accessibles à tous » (Sanofi Biogenius Canada, 2021). Il s’agissait en fait de faire croitre des pois et des haricots sur un substrat solide dans un système uniquement arrosé par une fine brume (figures 2, 3 et 4). « Il s’agissait d’un projet demandant puisqu’il fallait gérer l’éclairage, l’arrosage et mesurer les plans tous les jours », explique Audrey.
Les défis n’ont pas manqué. D’abord, transposer le procédé industriel décrit dans l’article en un montage facilement réalisable a causé bien des maux de tête. C’est ici que les deux jeunes ont fait preuve de créativité, fabricant leur montage expérimental avec du matériel trouvé à la maison (boite de verre construite par papa, substrat de jute et de moustiquaire, hygromètre, etc.). Vinrent ensuite de nombreux obstacles inhérents à la recherche sur du matériel vivant comme la présence de moisissure ou la difficulté à maintenir des conditions environnementales stables. En tout, six essais ont été nécessaires pour obtenir des résultats satisfaisants.
École à la maison oblige, « il a été parfois décourageant et plus difficile de trouver des solutions aux problèmes rencontrés, puisque nous avions moins d’échanges avec nos collègues et nos enseignants », raconte Coralie. Elle avoue aussi que « c’était plus difficile de contrôler les variables à la maison par rapport à un environnement plus contrôlé en laboratoire ». Par exemple, elles n’avaient pas accès à des instruments très précis pour mesurer la température et l’humidité.
Si elles ont dû surmonter de nombreux obstacles, Audrey et Coralie reconnaissent quelques avantages à réaliser leur expérience scientifique à la maison. Coralie indique qu’en se débrouillant avec le matériel disponible chez elle, elle a pu rendre l’expérience plus crédible. Puisque l’hypothèse consistait à vérifier la possibilité de faire pousser des légumes en aéroponie à la maison, une expérience réalisée en laboratoire aurait discrédité leurs résultats. « Si on a pu faire croitre des pois dans notre sous-sol, alors tout le monde peut le faire! », ajoute Coralie. Autre avantage indéniable de l’expérimentation à la maison : avoir l’œil sur les plantes nuit et jour, chose difficile à faire à l’école.
Encouragées par leur enseignante de sciences, Mme Jacinthe Buisson, les deux élèves se sont inscrites à la finale régionale d’Expo-sciences où elles ont remporté deux prix, dont une participation à la finale du concours de biotechnologie Sanofi Biogenius Canada. Anxieuses, elles n’ont eu que quelques jours pour améliorer leur présentation avant le grand jour. Satisfaites de leur performance lors du jugement, Audrey et Coralie ont quand même été très surprises de remporter la troisième place.
La pandémie aura permis à de nombreuses personnes de faire preuve de créativité et de détermination. Dans le cas de ces deux jeunes, parions que le déroulement et les résultats de leur expérimentation auraient été différents si elle s’était déroulée à l’école. Transformer un sous-sol en laboratoire biotechnologique, c’est aussi ça, faire de la science! Elles sont la preuve vivante que la démarche expérimentale peut s’effectuer hors laboratoire, avec un peu de créativité. Quant à Audrey et Coralie, elles ont débuté cet automne le programme de Sciences de la nature et envisagent déjà une autre participation à Expo-sciences en poussant encore plus loin leurs recherches sur la culture aéroponique. Une bonne chose pour notre autonomie alimentaire!
Maheu, J. (2021, 9 mai). Deux jeunes Gatinoises remportent la troisième place d’un concours national de recherche scientifique. Le Droit. https://www.ledroit.com/actualites/deux-jeunes-gatinoises-remportent-la-troisieme-place-dun-concours-national-de-recherche-scientifique-36484201e073009c17b18e2691b792f0
Sanofi Biogenius Canada. (2021, 30 avril). Biogenius 2021: Project File / Fiche de projet (Coralie Raymond et Audrey Dubois) [vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=bOUI-AJNK4I