Elisabeth Guérard, AESTQ
Catherine Simard, professeure en didactique des sciences et technologies, Université du Québec à Rimouski, Lucia Savard, enseignante du primaire et professionnelle de recherche, Université du Québec à Rimouski, Mélanie Cantin, coordonnatrice des communications, Technoscience Est-du-Québec et Dominique Savard, directrice générale, Technoscience Est-du-Québec
Maia Morel, professeure agrégée, Université de Sherbrooke et Elizabeth Fafard, étudiante à la maitrise, Université de Sherbrooke
Camille Binggeli, Université du Québec à Trois-Rivières
C’est avec beaucoup que d’intérêt que nous avons assisté, le 10 mai 2022, à la conférence Microbes, molécules et environnement offerte par Science-moi ! dans le cadre du 89e congrès de l’Acfas. Boucar Diouf, animateur et biologiste, et Normand Voyer, chimiste, deux vulgarisateurs chevronnés, avaient donné rendez-vous en ligne aux classes de la 4e année du primaire à la 5e secondaire. Afin d’explorer davantage les grandes idées soulevées par cette conférence sur un monde invisible à l’œil nu, nous vous proposons ici trois suggestions d’activités scientifiques à faire en classe. Les deux premières activités que nous vous suggérons sont conçues pour le deuxième cycle du primaire, mais sont facilement adaptables et intéressantes pour d’autres niveaux alors que la dernière s’adresse à tous les âges.
Les animateurs nous ont rapidement convaincues que les microbes occupent un espace considérable dans nos vies et sur Terre, même s’ils se font plutôt discrets ! Ces virus, levures, bactéries et champignons microscopiques sont des champions de l’adaptation et, pour eux, tous les milieux, même les plus inhospitaliers, sont de nouveaux territoires à coloniser. On en retrouve dans le sol, dans l’eau, dans l’air et même à l’intérieur des autres êtres vivants. Notre propre corps est l’hôte insoupçonné d’une quantité astronomique de microbes : on compte ainsi 10 bactéries et 1000 virus pour chaque cellule humaine qui nous compose ! Ainsi, chez un adulte moyen, les bactéries qui vivent dans l’intestin, et qu’on appelle le microbiote, pèsent à elles seules 1,5 kg. Loin d’être néfastes, ces bactéries sont pour la plupart essentielles au bon fonctionnement du métabolisme. Sans elles, impossible de bien digérer les aliments que l’on consomme. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle tous les microbes sont dangereux, il faut plutôt prendre conscience que la plupart d’entre eux contribuent directement au maintien de conditions propices à la vie sur Terre. En les découvrant, c’est donc sur tout un pan invisible et un peu mystérieux du monde vivant qu’on lève le voile.
Avec les élèves du primaire, il n’est pas nécessairement évident d’aborder les microbes d’une manière concrète, contextualisée et active, notamment parce que les unités de mesure qui permettent de parler de leur taille ne font pas partie des savoirs ciblés par le Programme de formation de l’école québécoise. Nous avons voulu amener les élèves à se familiariser avec l’idée qu’il existe des structures complexes difficiles à observer à l’œil nu. Pour ce faire, nous avons développé une activité où les élèves observent attentivement des petites choses qui les entourent, d’abord à l’œil nu puis avec une loupe. À l’aide d’images, ils découvrent ensuite des choses encore plus petites, que même une loupe ne permet pas de voir. Finalement, la présentation du microscope comme outil d’observation permet de discuter de l’infiniment petit et la découverte des virus. Les élèves pourront alors constater que les virus, même s’ils ne peuvent être vus qu’à l’aide d’outils spécialisés, ont des apparences variées. Vous trouverez le guide complet pour animer cette activité en suivant ce lien.
Comme l’ont rappelé Boucar Diouf et Normand Voyer, la vaste majorité des microbes cohabitent paisiblement avec les humains. Cependant, lorsqu’ils utilisent notre corps comme lieu de reproduction, quelques-uns (environ une bactérie sur 10 000 et 230 virus en tout) peuvent lui causer des problèmes de santé. Notre corps a développé de nombreuses méthodes pour se protéger de ces intrus néfastes à sa survie. La peau, la bouche, le nez, les oreilles, bref toutes les portes d’entrée de notre corps, sont dotées de barrières diverses qui empêchent ou ralentissent l’entrée des indésirables, par exemple : les poils nasaux, l’acide gastrique, la salive, le mucus et le cérumen. Ceux qui parviennent à s’infiltrer quand même font alors face au système immunitaire, qui tente par tous les moyens de les détruire, y compris en recourant à d’autres microbes, les bactériophages.
Pour faire réfléchir les élèves à la façon dont leur corps se protège des microbes néfastes pour sa santé, nous proposons de diriger leur attention sur la manière dont le corps interagit avec son environnement, en laissant entrer ou sortir des substances. En équipe, les élèves dessinent une silhouette sur un grand papier collé au sol et sont invités à représenter toutes les zones et tous les moyens par lesquels ils pensent que des virus ou bactéries peuvent s’introduire et ressortir de leur corps. Une discussion de groupe où l’on compare les dessins produits permet d’enrichir ces derniers et de s’assurer de ne rien oublier. Toujours en groupe, on peut ensuite identifier les méthodes de protection naturelles (toux, larmes, pus) ou créées par l’humain (masques, désinfectant pour les mains, gants) dont nous disposons pour nous protéger des microbes qui causent des problèmes de santé. Vous trouverez le guide d’animation juste ici.
Tout au long de la conférence, les animateurs n’ont cessé de le marteler : les microbes sont présents sur Terre depuis les tout débuts du vivant. Sans eux, c’est toute la pyramide qui s’écroule ! Ils accomplissent de nombreuses fonctions essentielles au cycle de la vie, par exemple en décomposant la matière organique et en fournissant de l’énergie aux plantes. Les animaux et les plantes vivent en symbiose avec ces entités invisibles dans une relation de mutualisme, chacun en tirant des bénéfices. Par exemple, notre intestin offre un lieu accueillant à des bactéries qui nous aident à décomposer les aliments que nous mangeons et à en absorber tous les nutriments. Au fil de leur histoire, les humains ont inventé divers moyens d’exploiter l’action de certains microbes à leur avantage pour produire de l’énergie, se soigner et se nourrir. Sans microbes, pas de biogaz, de pénicilline, de fromage, de kimchi ou de pain. Qui aurait cru que le monde microscopique occupait une si grande place dans notre assiette ?
Pour explorer le rôle fondamental que jouent les microbes dans nos vies, on vous invite à passer par l’assiette et par les saveurs. La place des levures, des bactéries et des champignons microscopiques dans notre alimentation est telle qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive. Plutôt que de vous suggérer une activité spécifique, nous vous proposons de cuisiner en classe un aliment qui nécessite la collaboration de ces êtres microscopiques, par exemple du pain au levain, du yogourt, du fromage ou, pourquoi pas, du kombucha. Les élèves trouveront de nombreuses recettes en ligne. On peut les lire, les comparer, faire la liste de leurs différences et de leurs similarités et essayer d’en tirer des conclusions (rôle de la température, quantité d’ingrédients, présence de sucre, temps nécessaire à la culture pour se développer, etc.). Réfléchissez ensemble à la manière dont la préparation crée un milieu favorable ou non pour nos précieux microbes. Il est ensuite possible d’observer les manifestations de leur activité, en constatant, par exemple, la présence de bulle dans notre préparation. Pourquoi ne pas essayer plusieurs recettes et identifier la meilleure en fonction de critères établis d’avance ? Il ne reste qu’à déguster en s’informant sur les nombreux avantages de la fermentation pour la conservation et la nutrition. Bon appétit !
Les animateurs de la conférence Microbes, molécules et environnement ont vulgarisé avec humour et dynamisme une abondance d’informations captivantes sur le monde méconnu des microbes. Nous avons choisi celles qui nous avaient le plus marquées en les regroupant sous trois thèmes principaux qui défient certaines perceptions ou idées reçues : 1 — les microbes sont partout et très nombreux. 2— Notre corps a évolué en se protégeant contre les microbes jusqu’à devenir une véritable forteresse. 3— Les microbes sont utiles et même essentiels à notre vie. Ces idées qui semblent complexes à aborder de prime abord deviennent pourtant une source de fascination pour les élèves dès lors qu’on les présente à l’aide d’activités concrètes.
C’est pourquoi nous avons voulu proposer ici des activités pédagogiques faciles et peu coûteuses pour les présenter aux élèves.
En terminant, nous tenons à souligner qu’il existe toujours des risques potentiels pour la santé et la sécurité, même s’ils sont généralement minimes, lorsque l’on manipule des substances et objets qui pourraient avoir été contaminés par des microbes. L’AESTQ a publié un guide très instructif sur les lignes directrices à respecter pour assurer la sécurité des activités scientifiques réalisées en classe. Si votre école n’en possède pas une copie, vous pouvez en commander une ici.
Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec. (2017). Guide en santé et sécurité : science et technologie : établissements primaires. Fascicule no 3.
Ben-barak, I. (2020). Ne lèche surtout pas ce livre ! : il est rempli de microbes. Milan.
Collen, A. (2016). Nos amies les bactéries : elles détiennent les clés de la santé et du bien-être. JC Lattès.
Diouf, B. (2021). La face cachée du grand monde des microbes : et pourquoi nous leur devons tant. Les éditions La Presse.
Tremblay, C. (2010). Fred Poulet enquête sur un microbe. Dominique et compagnie.
Yong, E. (2017). Moi, microbiote, maître du monde : les microbes, 30 billions d’amis ! Dunod.